Un résumé se trouve en bas de page .
Depuis l’apparition d’un premier cas en France en 2011, les lymphomes anaplasiques à grandes cellules associés à un implant mammaire (LAGC-AIM) sont surveillés par une action nationale concertée entre le ministère chargé de la santé, l’ANSM et l’Institut national du cancer (INCa).
En mars 2014 puis en mars 2015, le nombre de cas de LAGC-AIM rapportés ayant connu une augmentation, la Direction Générale de la Santé a sollicité l’INCa pour constituer un groupe d’experts afin de recueillir ses préconisations en termes de conduite à tenir auprès des femmes porteuses d’implants mammaires.
Au 30 juin 2016, au total 29 cas de LAGC (confirmés par le réseau LYMPHOPATH) associés à un implant mammaire ont été déclarés à l’ANSM, soit 11 cas supplémentaires par rapport à l’avis d’experts rendu en mars 2015. Au vu de ces nouvelles données, la DGS a saisi l’INCa le 27 juin 2016 afin de : confirmer la prévalence et l’incidence des LAGC associés aux implants mammaires ;actualiser, le cas échéant, la conduite à tenir pour les femmes porteuses d’implants mammaires, vis-à-vis de ces nouvelles informations.
AVIS D’EXPERTS:
Le présent avis d’experts a été rendu après une réunion plénière unique qui s’est tenue le 29 août 2016, précédée et suivie de contributions et validation écrites des experts. L’avis rapporte les points de consensus entre experts.
Compte tenu de la rareté de cette situation et des données disponibles limitées, le présent avis devra faire l’objet d’une actualisation en fonction des nouvelles connaissances qui seront acquises sur les lymphomes anaplasiques à grandes cellules associés à un implant mammaire. L’intérêt d’un partage d’informations au niveau européen voire mondial sur cette affection est souligné.
ANALYSE DES CAS DE LYMPHOMES ANAPLASIQUES A GRANDES CELLULES ASSOCIES A UN IMPLANT MAMMAIRE.
Cette entité spécifique est intégrée à la classification OMS 2016, sous la terminologie « LAGC-AIM ».
Il semble exister deux formes : une forme in situ limitée à la capsule et une forme infiltrante (avec masse adjacente à la capsule péri-prothétique). Au moment du diagnostic, l’extension est le plus souvent limitée à la capsule péri-prothétique. Dans quelques cas, le LAGC-AIM est cependant étendu au-delà de la capsule (stade IIE-IV).
La caractérisation immuno-histochimique révèle l’expression constante du CD30 par les cellules tumorales, un phénotype T cytotoxique et par définition, une absence d’expression de ALK.
En France, une double lecture anatomopathologique de tous les cas de lymphomes est mise en place via le réseau national expert LYMPHOPATH. Le diagnostic de LAGC-AIM est en effet complexe et la double lecture a permis dans un certain nombre de cas de le préciser au plan histologique et phénotypique.
Les données de la littérature et les données inhérentes aux cas français sont concordantes en termes de caractéristiques cliniques des patientes et de caractéristiques des implants mammaires.
Les cas de LAGC-AIM ont été diagnostiqués en moyenne après 13 ans d’implantation (ce chiffre prend en compte les pluri-implantations successives cumulées, allant de 6 ans à 36 ans
d’implantation, avec une médiane à 10 ans) .De grandes variations de ce délai sont cependant possibles à partir de la dernière implantation (de 3 mois à 16 ans).
Cette pathologie peut survenir chez des femmes ayant eu un implant mammaire à visée esthétique ou posé dans le cadre d’une reconstruction mammaire après un cancer du sein.
Le port d’un implant texturé était retrouvé dans l’histoire de toutes les femmes.
Cette pathologie se manifeste le plus souvent par un épanchement péri-prothétique.
La survie à court terme semble bonne chez les patientes présentant une forme in situ au diagnostic (pas de masse) mais elle ne peut être estimée à long terme, compte tenu du faible recul dont on dispose, tant pour les données de la littérature que pour les cas français.
Selon les données de la littérature, la survie à court terme semble moins bonne chez les patientes ayant une masse au diagnostic.
Une forme étendue (IIE –IV) semble également être un facteur de mauvais pronostic.
ESTIMATION DU RISQUE DE SURVENUE DES LAGC-AIM.
Il existe un lien clairement établi entre la survenue de cette pathologie et le port d’un implant mammaire.
Le groupe souligne que la fréquence de cette complication est cependant très faible.
Compte-tenu de la difficulté à déterminer le nombre de femmes porteuses d’implants mammaires, et de la sous-notification potentielle des cas de LAGC-AIM, l’estimation de son risque ne peut être que très approximative.
En acceptant de recourir à de nombreuses hypothèses, une estimation en France de l’incidence cumulée sur une période de 5,5 à 7,5 années pourrait être avancée, elle serait de l’ordre de 1 à 2 pour 100 000 femmes-années (d’exposition aux implants mammaires). En d’autres termes, une à deux femmes pour 10 000 porteuses d’implants mammaires pendant 10 ans présenteraient un LAGC-AIM, sous réserve de la validité des hypothèses encore difficile à apprécier à ce stade.
Le trop faible nombre de cas ne permet pas d’identifier formellement des facteurs de risque associés à la survenue de cette pathologie autres que le port d’un implant mammaire.
Les données publiées sont confrontées à de nombreux biais. Par ailleurs, le nombre de données manquantes est important, tant dans la littérature que pour les cas français.
Néanmoins, au vu des données présentées, le groupe d’experts considère nécessaire d’explorer la potentielle association entre texturation de l’implant et survenue d’un LAGC-AIM.
Au regard de ces données, il n’est pas recommandé de proposer une explantation préventive vis-àvis du risque de LAGC-AIM aux femmes porteuses d’un implant mammaire quel qu’il soit.
CONDUITE A TENIR CHEZ LES FEMMES PORTEUSES D’IMPLANTS MAMMAIRES EN CAS DE SUSPICION DE LAGC-AIM.
Face à des signes fonctionnels ou physiques (épanchement péri-prothétique, augmentation de volume, douleur, inflammation, masse, ulcération, altération de l’état général) survenant notamment à distance de la phase post-opératoire chez une femme porteuse d’implant mammaire, le diagnostic de LAGC-AIM doit être évoqué.
Il est préconisé de réaliser en 1ère intention une échographie afin de rechercher un épanchement péri-prothétique autour de l’implant, une masse ou un épaississement capsulaire et d’explorer les aires ganglionnaires.
Si cet examen n’est pas contributif, une IRM est préconisée en 2ème intention.
En cas de découverte à l’imagerie d’un épanchement péri-prothétique, une cytoponction doit être réalisée. Devant la découverte d’une masse et/ou en cas d’adénopathie satellite, des prélèvements à visée cytologique et histologique sont nécessaires (biopsie, cytoponction) en précisant la suspicion de LAGC-AIM au pathologiste.
Le diagnostic de LAGC-AIM est établi par le pathologiste et à l’issue d’une double lecture anatomopathologique par le réseau national expert LYMPHOPATH.
L’analyse cytologique de la cytoponction et l’analyse anatomopathologique de la biopsie sont nécessaires. Une étude immuno-phénotypique et si possible moléculaire doit toujours compléter l’analyse morphologique du liquide ou des tissus prélevés.
En cas de capsulectomie (exérèse de la capsule) ou de capsulotomie (ouverture de la capsule), toute lésion suspecte (notamment présence de signes inflammatoires) ou tout épanchement périprothétique doit faire l’objet d’une analyse par le pathologiste. En cas de diagnostic anatomopathologique de lymphome ou en cas de doute, un envoi du prélèvement pour double lecture au réseau LYMPHOPATH doit être la règle.
CONDUITE A TENIR EN CAS DE DIAGNOSTIC DE LAGC-AIM
Après confirmation du diagnostic anatomopathologique par la double lecture dans le cadre du réseau LYMPHOPATH, la patiente doit être adressée à un hématologue pour réalisation du bilan d’extension du lymphome.
Dans le cadre de la matériovigilance, un signalement à l’ANSM de la survenue d’un LAGC-AIM par les professionnels de santé est obligatoire.
Une fois le diagnostic posé, la conduite à tenir doit être discutée en RCP nationale (Réunion de Concertation Pluridisciplinaire) et avant mise en œuvre du traitement (voir annexe 5, détails RCP nationale).
Quelle que soit l’extension de la maladie au diagnostic, une capsulectomie totale doit être réalisée dans un centre titulaire d’une autorisation de traitement chirurgical des cancers. Le cas échéant, une explantation controlatérale est réalisée et un envoi pour contrôlE anatomopathologique est préconisé.
Une réimplantation ne saurait être recommandée compte tenu des connaissances actuelles sur l’origine et l’évolution de cette pathologie. Toute décision de réimplantation éventuelle doit faire l’objet d’une discussion au cas par cas en RCP.
Lorsque la maladie est localisée et que la capsulectomie totale a pu être réalisée, une surveillance par l’hématologue et le chirurgien est préconisée ; par analogie aux autres lymphomes indolents,
cette surveillance pourrait être faite tous les 4 mois dans les 2 premières années.
Lorsque la maladie est étendue (stade IIE – IV) ou lorsqu’une capsulectomie totale n’a pas pu être réalisée, un traitement complémentaire à la chirurgie est à discuter en RCP nationale.
SUIVI ET INFORMATION DES FEMMES PORTEUSES D’IMPLANTS MAMMAIRES VIS-A-VIS DU RISQUE DE LAGC-AIM.
Pour les femmes porteuses d’un implant mammaire et sans signes cliniques au niveau des seins, le groupe d’experts ne préconise pas de suivi particulier autre que celui qui existe actuellement pour toutes les femmes.
Il est rappelé que toutes les femmes doivent faire l’objet d’un examen clinique des seins annuel dès l’âge de 25 ans et que les femmes entrant dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein et les femmes ayant un risque augmenté de cancer du sein bénéficient également d’un suivi par imagerie spécifique (HAS 2014).
Les professionnels de santé en charge de ces suivis (médecins généralistes, chirurgiens, oncologues, gynécologues, radiologues, sage-femmes, etc.) doivent être informés et sensibilisés aux signes locaux qui peuvent être associés à la survenue d’un LAGC-AIM.
Une fiche d’information à remettre aux femmes avant la pose d’un implant mammaire, intégrant des données sur le risque de LAGC-AIM ainsi que sur les signes cliniques qui doivent les inciter à consulter, est en cours de finalisation au moment de la diffusion de cet avis.
Toute femme bénéficiant de la pose d’un implant mammaire devrait se voir remettre une carte mentionnant les caractéristiques de l’implant.